À propos

20 ans après

Au départ un hasard. Janvier 2000, un moment de grâce en concert à Nantes lors de La folle journée. Philippe Pierlot confie à René Martin qu’il songe à quitter son éditeur : le programme du fameux concert sera la première référence de Mirare (De Aeternitate, 2002) et glanera toutes les récompenses de la presse musicale française. L’opus 2, où Pierre Hantaï joue Scarlatti, reçoit une autre brochette de médailles. Puis le piano entre en scène avec Anne Queffélec (2003), le tout jeune Nicholas Angelich, Brigitte Engerer, Boris Berezovsky (2004), et le rythme des parutions accélère sous l’enthousiasme conjugué de René et François-René Martin.  

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Carlos Mena et le Ricercar consort poseront ainsi, avec le florilège De Æternitate, la première pierre de Mirare, distinguée en 2002 par un lot de récompenses inespéré (Diapason d’or de l’année, Choc du Monde la musique, ffff Télérama et tout à l’avenant). Une autre pluie de médailles fête aussitôt la deuxième parution, un récital Scarlatti du claveciniste Pierre Hantaï. Le piano entre en scène par la grâce d’Anne Queffélec, avec l’ami Mozart sur son pupitre.

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2003 également, René Martin donne son feu vert au jeune pianiste qui s’est mis bille en tête d’enregistrer les trois Années de Pèlerinage de Franz Liszt – vous aurez reconnu Nicholas Angelich. Brigitte Engerer les rejoint en 2004 et Boris Berezovsky l’année suivante, qui apporte une dimension plus internationale au jeune label français. Le rythme des parutions accélère sous l’enthousiasme conjugué de René et François-René Martin.  

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On voit ici déjà les atouts qui feront le succès et l’identité de Mirare, intacts vingt ans et plus de quatre-cents disques après : le flair, une connaissance peu commune du monde du piano (presque la moitié du catalogue), le sens du risque calculé, l’oreille toujours curieuse des jeunes talents, un éclectisme stimulé par les innombrables artistes côtoyés par René Martin dans ses différents festivals (la Grange de Meslay, La folle journée, le Festival de la Roque d’Anthéron), la confiance des artistes récompensée de fidélité (voyez le Ricercar Consort, Hantaï, Queffélec, toujours complices). 

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Reste un point déterminant. S’il vient du spectacle vivant, René Martin n’a jamais vu le disque comme un miroir de la scène. Avoir travaillé pendant les premières années de Mirare avec l’ingénieur du son Nicolas Bartholomée a conforté chez lui une certaine idée de l’enregistrement, dont le temps doit libérer l’artiste des contingences, dont les micros n’imitent pas l’image sonore du concert mais placent l’auditeur dans l’intimité du musicien. A ce titre, les prises de son réalisées pour De Æternitate et le Scarlatti de 2002 ont fait école. Hugues Deschaux, Aline Blondiaux et Jiri Heger prendront la relève et affirmeront aussi brillamment cette exigence, avec chacun sa propre griffe.

Dans les années 2010, la baisse générale du marché du disque classique aurait pu entamer cette méthode chronophage au profit du « live amélioré », prisé par bien des éditeurs. Il n’en fut rien chez Mirare. Le projet de René et François-René Martin était d’accompagner certains artistes chers dans leur démarche musicale, et non de prolonger à moindre effort les concerts de Nantes et de la Roque d’Anthéron. En revanche, l’avantage d’une production discographique directement connectée au circuit des concerts a été primordiale pour la diffusion du label. Le rayonnement des Folles Journée nantaises, avec des éditions à Lisbonne, à Bilbao, au Japon, en Pologne, au Brésil encore, a été salutaire pour que Mirare maintienne toute son ambition malgré les turbulences traversées par l’industrie discographique. Une ambition que résume, à l’heure de son vingtième anniversaire, l’intégrale Schubert du Quatuor Modigliani : un cycle patiemment engrangé en vingt jours, et qui plus est, partagé entre trois salles selon les caractères propres des œuvres. 

Les Modigliani sont arrivés tout jeunes (2008) chez Mirare, qui avait également repéré le Quatuor Ebène ! Après quelques disques, ce dernier était accueilli par Warner Classics. Voilà bien la rançon du succès : les majors n’apprécient rien tant que les artistes déjà lancés et fêtés par des récompenses critiques. Avoir porté Nicholas Angelich, Adam Laloum, Bertrand Cuiller, La Rêveuse, les Siècles de François-Xavier Roth, etc., n’est pas rien. Vous n’entendrez jamais René et François-René Martin se plaindre des départs. Accompagner les jeunes talents est à leurs yeux une vocation de Mirare dont témoigne aussi la nouvelle collection « Futur », en partenariat avec le CNSMDP. Philosophe, René Martin rappelle qu’à l’inverse, la désaffection de nombreux artistes pour les majors, au début des années 2000, a apporté au label un tremplin providentiel. 

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Le hasard à la source, l’amitié en chemin. C’est elle, par exemple, qui a donné au chant choral une place inattendue dans le catalogue Mirare, suite à la rencontre du regretté Michel Corboz et de René Martin. Et demain ? Qui, en 2009, aurait anticipé le best-seller qu’allaient devenir Contemplation par Anne Queffélec ? Qui aurait cru que Lukas Geniušas naviguerait entre Prokofiev (intégrale des sonates en cours) et… Reynaldo Hahn ? Qui aurait imaginé il y a cinq ans seulement l’intégrale Schubert qui vient de paraître ? Bien malin celui qui sait à quoi s’attendre dans le petit cadre blanc qui orne depuis vingt ans les couvertures des albums Mirare !

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